La retraite à 62 ans n’a pas changé fondamentalement la donne pour l’emploi des seniors, du moins pas à court terme. C’est ce que montre une étude de l’Insee publiée jeudi. La réforme de 2010, qui a retardé de deux ans l’âge d’ouverture des droits à retraite, a eu pour « effet dominant » de « figer les situations atteintes à l’approche de la soixantaine », selon les auteurs. Autrement dit, les travailleurs sont restés un peu plus longtemps au travail et les chômeurs un peu plus longtemps au chômage, ces derniers basculant parfois dans l’inactivité en fin de droits. La réforme a, certes, permis d’accroître l’emploi global, mais de façon mécanique, par l’allongement de la durée d’emploi des seniors encore en emploi entre 58 et 60 ans.
L’Insee s’est concentré sur les comportements à 60 et 61 ans des générations nées en 1951 et 1952, qui ont dû respectivement attendre 4 mois et 9 mois de plus que les générations 1949 et 1950 pour partir à la retraite. Elle a exclu de son champ la génération 1953, qui a dû patienter 14 mois de plus, car l’élargissement du dispositif de départ anticipé pour carrières longues en novembre 2012 risquait de fausser l’analyse.
Résultat : après 60 ans et jusqu’à leur âge d’ouverture des droits à retraite, les hommes voient leur probabilité d’être à la retraite chuter de 27 points, à 30 %. Pour les femmes, elle baisse de 22 points, à 18 % – elles doivent généralement travailler plus longtemps pour compenser des carrières plus heurtées. En miroir, la probabilité d’être en emploi à temps plein croît de 14 points, à 38 %, chez les hommes et de 9 points, à 32 %, chez les femmes. A noter, les temps partiels augmentent de 3 points pour eux et de 7 points pour elles. Cela peut traduire des conditions de travail aménagées pour tenir compte d’un état de santé dégradé, mais aussi un regain de temps partiel subi. La probabilité d’être au chômage s’accroît en parallèle de 7 points chez les hommes et de 6 points chez les femmes. Et l’inactivité croît de 3 points pour eux, alors qu’elle est stable pour elles.
Vu sous un autre angle, à 58 ans, la probabilité de rester en emploi jusqu’à l’âge légal de la retraite quand on est déjà en poste augmente de 9,5 points, à 91,3 %, pour compenser la baisse de la probabilité de se retrouver à la retraite, tandis que le risque de tomber au chômage demeure très limité, passant de 1,2 % à 1,7 %. Les travailleurs se maintiennent donc massivement en place. Les chômeurs se « pétrifient » eux aussi de plus en plus souvent dans leur statut, puisque pendant la période de transition avant la retraite, ils sont 54 % à rester au chômage, soit 9,4 points de plus qu’avant la réforme. Ces chômeurs voient par ailleurs leurs chances de retrouver un emploi in extremis chuter de 6,8 points, à 24,2 %. Le recul de l’âge de la retraite n’a donc pas eu d’effet multiplicateur sur l’emploi des seniors dans l’immédiat. Mais le changement viendra peut-être dans la durée.
©2017 Les Echos – SOLVEIG GODELUCK