Avec plusieurs semaines de retard sur le calendrier initial, syndicats et patronat seront reçus ce mercredi au ministère du Travail pour une première réunion multilatérale sur la réforme de l’assurance-chômage . Avec la refonte de l’apprentissage et de la formation professionnelle, il s’agit pour le gouvernement de marquer sa volonté de sécuriser les parcours professionnels et ainsi de contrebalancer la flexibilité accordée au marché du travail avec les ordonnances .
Indemnisation des indépendants, des démissionnaires, contrôle des demandeurs d’emploi, contrats courts, ou encore gouvernance : le menu est copieux. Pour autant, il laisse la porte ouverte à bien des interrogations sur l’ambition réelle de l’exécutif d’appliquer certaines des promesses d’Emmanuel Macron.
Prudents, les partenaires sociaux ont pris les devants : négocier pourquoi pas, mais sur la base d’un diagnostic commun avec l’Etat et s’ils jugent pertinent de le faire. « Est-ce que ce sera complètement de la concertation ou un mix de concertation et de négociation ? Cela va dépendre […] des premières discussions, voir si on partage une ambition commune », leur a répondu mardi Muriel Pénicaud.
Hormis celui des indépendants qui relève de l’Etat, un thème de la réforme devrait bien être renvoyé à la négociation, confirme-t-on de sources concordantes : celui du recours aux CDD de moins d’un mois qui représentent 80 % des embauches.
Les partenaires sociaux auraient jusqu’à fin janvier pour imaginer un mécanisme destiné à endiguer ce phénomène très courant dans certains secteurs, comme l’hôtellerie-restauration.
Les syndicats (qui sont pour) et le patronat (qui est contre, même s’il n’y a pas forcément unanimité des troupes) saisiront-ils la balle au bond ? « Je pense que oui, estime un représentant côté employeur, car sinon c’est la porte ouverte à l’exécutif pour imposer son plan. »
Le plan en question repose sur un système de bonus-malus ambitieux, destiné à faire varier le taux de cotisation patronal en fonction du taux de rotation de sa main-d’oeuvre . Les taux varieraient de 2 % à un maximum de 6 % ou 7 % (contre 4 % actuellement), pour ne pas (trop) alourdir le coût du travail dans certains secteurs. Ils seraient calculés soit en fonction de ce que l’employeur coûte à l’Unédic, soit en fonction de son taux de recours aux CDD.
En clair, le système de bonus-malus servirait d’épée de Damocles. Si les partenaires se saisissent de la négociation, et qu’à l’arrivée le mécanisme proposé est jugé satisfaisant, alors tant mieux. Sinon, c’est le bonus-malus qui s’imposera. « Notre objectif reste toujours d’augmenter la part des embauches en CDI », a affirmé mardi Muriel Pénicaud.
Menace réelle ? Tout le monde n’est pas convaincu. Et pour cause : syndicat et patronat se sont déjà écharpés sur le sujet lors des dernières négociations de convention Unédic. Décidée en 2013, la taxation des contrats courts a été abandonnée au printemps dernier, au profit d’une recherche de solution branche par branche.
« Si le ministère du Travail renvoie le sujet des contrats courts à la négociation, c’est qu’il a renoncé au bonus-malus », veut croire une source au sein des partenaires sociaux. « S’ils avaient voulu mettre en place leur bonus-malus, ils ne renverraient pas à la négociation », abonde une autre.
Les signataires de la dernière convention Unédic auront du mal à aller au-delà de ce qu’ils ont… signé au printemps. Sauf peut-être à rajouter un calendrier contraignant aux branches pour qu’elles se saisissent du problème, ce qui n’est pas encore le cas. Pas de quoi satisfaire le gouvernement, qui peut aussi compter sur la guerre de succession au Medef pour aller de l’avant en se prévalant de l’immobilisme des partenaires sociaux.
©2017 Les Echos – ALAIN RUELLO