C’est peut-être l’une des promesses de campagne du candidat Macron les plus difficiles à concrétiser : accorder une indemnisation aux travailleurs indépendants en cas de perte d’activité. La philosophie est claire : il faut que la protection sociale soit plus fondée sur l’individu que sur son statut. En creux, il s’agit de promouvoir l’entrepreneuriat en permettant à une partie des actifs, tentés par la création d’entreprise, de se lancer dans l’aventure avec davantage de sécurité en cas d’échec.
La population potentiellement concernée est très large puisque l’ensemble des travailleurs indépendants (microentrepreneurs, travailleurs indépendants classiques, dirigeants assimilés salariés et exploitants agricoles) représente plus de 3 millions de personnes. Le dispositif est donc potentiellement très coûteux.
Pour cette raison, le gouvernement se veut prudent. Selon nos informations, il privilégie, en l’état actuel des choses, un schéma très encadré, qui recoupe d’ailleurs un des scénarios du rapport des Inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS et IGF), non encore divulgué et dont « Les Echos » ont obtenu une copie.
L’une des options privilégiées, mais non encore arrêtée, serait de proposer une allocation forfaitaire dont le montant pourrait atteindre de 700 à 800 euros mensuels. Comme le fait remarquer le rapport IGAS-IGF, «« l’indemnisation devra en tout état de cause être fixée à un niveau supérieur aux droits du RSA que le travailleur serait susceptible de percevoir ». Quant à la durée, elle serait de 6 mois à un an seulement.
Ce choix de l’indemnisation forfaitaire, plutôt qu’une indemnisation contributive, découle de plusieurs facteurs : la difficulté de connaître les revenus des travailleurs indépendants sur une base infra-annuelle, la forte volatilité de ces revenus, ainsi que la difficulté à définir l’assiette de contribution (fiscale ou sociale) sujette à des stratégies d’optimisation (statut des dividendes, par exemple), comme le pointe le rapport de l’administration. Le choix dans ce cas est bien d’offrir un filet de sécurité et non un revenu de remplacement, ce qui est le cas pour les salariés.
Seuls seraient concernés les travailleurs indépendants qui exercent à titre exclusif (ce qui exclut tous les microentrepreneurs qui sont aussi retraités ou salariés et dont le risque de perte d’activité est moins dommageable). Quant au fait générateur, il devrait être involontaire (sur le modèle de la perte d’emploi pour le salarié) afin d’éviter tout effet d’optimisation qui reviendrait à créer un nouveau statut d’intermittence. Pour l’heure, c’est la liquidation judiciaire qui semble tenir la corde. Ce qui permettrait de limiter à 50.000 ou 60.000 personnes environ le nombre de bénéficiaires par an. Avec une durée d’activité préalable, “qui devrait être d’au minimum d’un an, voire de deux ans, afin de prévenir de cas de faillite organisée”, précise le rapport Igas-IGF.
L’ensemble de ces paramètres mis bout à bout, conduit à un coût qui ne devrait pas dépasser les 250 millions d’euros par an. Financés par une cotisation ou par l’impôt ? Le débat n’est pas tranché. De même que le sort particulier des travailleurs indépendants des plates-formes. Plusieurs personnes au sein du gouvernement plaident pour un régime qui leur serait spécifique, avec des cotisations appliquées aux plates-formes numériques et gérées par un tiers indépendant. Ces cotisations pourraient couvrir d’autres risques que la perte d’activité, comme les accidents du travail (très nombreux dans le secteur des transports et de la livraison) ou encore la formation professionnelle.
©2017 Les Echos – MARIE BELLAN