Le parcours législatif des ordonnances réformant le Code du travail touche à sa fin. L’Assemblée nationale a adopté mardi à une large majorité (463 voix pour, 74 contre et 20 abstentions) en première lecture le projet de loi de ratification. Le vote a été sans surprise… Comme le contenu du texte issu des débats au Palais-Bourbon. Il ne comporte que quelques modifications à la marge. Parmi les 30 amendements adoptés, il y a notamment l’extension du champ d’action éventuel du Conseil d’entreprise, une instance créée par la réforme qui fusionne CE, CHSCT, délégués du personnel et délégués syndicaux et peut être mise en place par accord majoritaire dans l’entreprise.
Concernant le périmètre d’évaluation des difficultés économiques en cas de plan social, que les ordonnances réduisent à l’Hexagone, une disposition ajoutée a pour objectif de sanctionner les manipulations comptables éventuelles. L’amendement antifraude adopté prévoit que la règle ne s’applique pas « en cas de création artificielle, notamment en matière de présentation comptable, de difficultés économiques à l’intérieur d’un groupe à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ». A noter également une mesure visant à permettre aux conseils sociaux et économiques ayant peu de moyens financiers de pouvoir faire appel à des experts ou encore une mesure concernant les bonus à moyen terme des traders.
Le projet de loi va maintenant être déposé au Sénat. Sa commission des Affaires sociales va se mettre aussitôt à plancher dessus, mais l’examen dans l’hémicycle au Palais du Luxembourg n’aura pas lieu avant janvier. Le gouvernement a décrété la procédure accélérée, mais il faudra tout de même a minima une seconde lecture dans les deux assemblées, sans compter la saisine probable du Conseil constitutionnel. Ce délai permettra-t-il aux recours syndicaux portés devant le Conseil d’Etat (puisque la réforme est pour l’instant réglementaire) d’aller à leur terme ? En la matière, la CGT a perdu une bataille le 16 octobre, la haute juridiction administrative ayant rejeté sa demande de suspension de l’exécution de plusieurs articles de la réforme. Mais personne ne doutait en réalité de ce résultat et elle a déposé d’autres recours.
Mi-novembre, la CFDT a elle aussi apporté sa pierre à l’édifice avec une contestation de la possibilité pour un employeur de moins de 20 salariés de « déroger au Code du travail sans négociation avec représentants du personnel ». La réforme du Code du travail prévoit, en effet, que jusqu’à 20 salariés (sans représentation du personnel entre 10 et 20 salariés), l’employeur peut soumettre un projet d’accord au vote des salariés, pas forcément à bulletins secrets.
Le feuilleton judiciaire ne fait que commencer. Et ce n’est pas le seul défi pour les syndicats. Ils doivent donner à leurs militants les moyens de maîtriser une réforme qui, en décentralisant le dialogue social, confère aux syndicalistes d’entreprise un rôle majeur. Leur information et leur formation s’annoncent déterminantes.
©2017 Les Echos – LEILA DE COMARMOND