Après l’euphorie, la soupe à la grimace ? Satisfaites d’avoir obtenu des ordonnances qui sécurisent les licenciements, les entreprises appréhendent une issue moins à leur avantage de la réforme de l’assurance-chômage. L’inquiétude porte en particulier sur le dispositif de bonus-malus promis par Emmanuel Macron pour freiner le recours aux contrats courts, et donc à la précarité du marché du travail.
De fait, c’est un véritable big bang qui se dessine, dont la principale conséquence consisterait à passer d’un taux de cotisation patronal fixe à un taux variable selon le « coût » que chaque employeur fait supporter à l’Unédic, a-t-on appris de sources concordantes.
Le régime de l’assurance-chômage est actuellement financé par une cotisation de 2,4 % des salariés (qui aura disparu fin 2018 et sera compensée par la hausse de la CSG) et de 4,05 % des entreprises (compte tenu de la surtaxe de 0,05 % qui prendra effet au 1er novembre pour trois ans maximum). Chaque entreprise est donc logée à la même enseigne.
Demain, cette mutualisation ne sera plus totale. Le taux de cotisation d’un employeur sera actualisé chaque année en fonction de son « comportement » en matière d’embauches sur les trois années précédentes : selon que les dépenses d’indemnisation qu’il a générées sur cette période dépassent ou non la moyenne nationale, on lui appliquera un malus ou un bonus.
En clair, plus une entreprise aura fait tourner sa main-d’oeuvre – quel que soit le contrat, CDI, intérim, CDD, intermittence… -, plus son taux de cotisation sera élevé. A l’inverse, celle qui conserve longtemps ses salariés ou qui privilégie leur formation pour qu’ils passent le moins de temps possible à Pôle emploi en cas de rupture de contrat ou de fin de mission sera moins prélevée.
D’après les différents schémas à l’étude, les taux de cotisation pourraient varier de 2 % (pour les entreprises les plus vertueuses) à un maximum – assez hypothétique – de 10 % (pour les moins vertueuses). Le dispositif est censé s’équilibrer entre perdants et gagnants, sachant qu’une option sur la table consisterait à introduire une modulation en fonction des secteurs. Ce mécanisme s’apparente en tout cas à celui qui prévaut pour la branche accidents du travail de la Sécurité sociale.
Le système a ses adeptes, il a aussi ses opposants. Quand bien même il ferait des gagnants, les organisations patronales sont très réticentes. fait-on savoir au Medef.
La banque, l’assurance, l’industrie n’auraient pas grand-chose à craindre. L’hôtellerie-restauration et l’événementiel beaucoup plus, même si ces secteurs devraient bénéficier d’un surcroît de baisse de charges pour les salaires proches du SMIC lors de la transformation du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en baisse directe de charges.
Ces secteurs ont déjà été pointés du doigt, en particulier lors de la dernière négociation de la convention d’assurance-chômage, qui a eu lieu au printemps. Il avait alors été prévu de renvoyer aux branches professionnelles des négociations sur les contrats courts, pour limiter les recours abusifs à ce type d’embauche. A ce stade, aucune n’a commencé. se défend un responsable patronal, qui n’avait toutefois pas autant de réserves à renégocier la convention Unédic juste avant les élections, au printemps. Une mauvaise volonté patronale qui pousse le gouvernement à vouloir imposer un malus pour faire changer les comportements.
©2017 Les Echos – ALAIN RUELLO