Pionnier du Web créé en 1994, Amazon aurait pu connaître le destin des AOL, Yahoo!, eBay ou, pire, Lycos. Mais la start-up de Seattle a tenu bon et s’est hissée avec une incroyable ténacité au premier rang des entreprises mondiales. Avec le rachat de la chaîne Whole Foods en juin dernier, elle est devenue le deuxième distributeur mondial, talonnant Walmart (qui vaut quasiment deux fois moins en Bourse). Derrière cette réussite, Jeff Bezos, patron implacable qui, après les Toyoda (Toyota), Welch (GE), Jobs (Apple), fait aujourd’hui figure de nouveau visionnaire. Voici les cinq leçons que l’on peut retenir de son management.
Ce précepte simple, Jeff Bezos l’a érigé en projet d’entreprise jusqu’à l’obsession absolue du client. Avec à la clef un capital immatériel inestimable : cette confiance qui s’est établie année après année entre Amazon et ses 300 millions de fidèles dans le monde.
Le coup de génie d’Amazon a été de se rendre indispensable à ses partenaires en lançant, dès 2001, sa « marketplace » : sur ses différents sites, les produits directement vendus par Amazon cohabitent avec ceux de millions de marchands concurrents. Rien qu’en France, plus de dix mille entreprises (des TPE-PME pour la plupart) vendent sur Amazon. Cette logique ouverte, Amazon l’a également mise en oeuvre en rachetant de nombreuses start-up : Twitch (plate-forme de streaming pour joueurs en ligne) ; Zappos (site de vente de chaussures) ; ou encore Elemental Technologies (encodage vidéo)… résume Bezos.
Il est loin le temps où Amazon était un vendeur de livres en ligne. Secteur par secteur, l’entreprise a attaqué méthodiquement de nombreuses industries. Aujourd’hui, Amazon c’est, entre autres, le leader mondial du cloud, loin devant les Google, Microsoft et IBM ; un studio récompensé par onze Emmys Awards, six Golden Globes et trois Oscars ; un acteur incontournable de la domotique et des objets connectés grâce à Alexa, l’enceinte intelligente qui devrait équiper dix millions de foyers à la fin de cette année. Et de gros projets dans la santé ou la logistique. Le tout sans jamais tomber dans la logique du conglomérat : Amazon reste une entreprise homogène, unifiée par la technologie.
Tom Szkutak, directeur financier d’Amazon. C’est le moins que l’on puisse dire : il a fallu attendre fin 2015 pour qu’Amazon commence réellement à générer des profits. Tout l’argent gagné est réinvesti, y compris dans des échecs mémorables, comme le lancement en 2014 du smartphone maison, le Fire Phone, ou l’incursion éclair sur le marché des couches-culottes. Mais c’est là le secret : prendre des risques, penser long terme et… servir des dividendes aux clients bien avant les actionnaires !
Au sein d’Amazon, la règle de management des « Two Pizza Team » (chaque équipe projet doit pouvoir se nourrir avec deux pizzas) s’applique toujours. Derrière l’anecdote, on retrouve une obsession viscérale de Bezos : faire qu’Amazon, qui compte aujourd’hui plus de 300.000 salariés, reste coûte que coûte une start-up. Alors Bezos, patron parfait ? Sûrement pas. Traitement très dur des salariés, pratiques concurrentielles cruelles, optimisation fiscale à outrance… Pur produit des années 1990 et de l’univers des fonds d’investissement, il lui manque sans doute une dimension essentielle pour devenir mythique : une vision plus généreuse de l’entreprise et du monde.
©2017 Les Echos – ERIC VILLEMIN