C’est l’une des critiques soulevées par la CGT et la CFE-CGC : l’employeur va pouvoir revoir le régime des primes des salariés à sa guise, conséquence de la nouvelle articulation de la norme sociale. Derrière ce vocable un peu abscons se cache un des thèmes majeurs de la réforme : la répartition entre ce qui relève de la loi, de la branche et de l’accord d’entreprise. La réforme a le grand mérite de clarifier tout cela. Pour onze thèmes (certains pour lesquels c’est déjà le cas, comme les minima salariaux, d’autres nouveaux comme les paramètres des CDD), un accord de branche s’imposera aux entreprises, sans possibilité d’y déroger. Dans trois cas (pénibilité, handicap, et vie syndicale), la branche pourra « verrouiller » si elle le souhaite (les entreprises seront alors tenues d’appliquer l’accord de branche). Tout le reste sera potentiellement du domaine de l’entreprise avec la possibilité de revenir sur des accords conventionnels (y compris avec du moins-disant) par accord majoritaire. Ce sera donc le cas des primes d’ancienneté, de nuit, ou du 13 mois par exemple, qui constitue des compléments de salaire souvent importants. [de branche, NDLR] justifie-t-on dans l’entourage du ministre.
Le sujet n’a quasiment pas fait parler de lui durant la concertation, et pourtant il augure d’une vraie révolution : le gouvernement a profité de sa réforme pour créer un véritable droit au télétravail, et coller ainsi à une réalité qui concerne 17 % des salariés et à laquelle beaucoup d’autres aspirent. Partant du principe que le Code actuel ne colle plus avec la réalité (les articles concernés datent d’avant l’apparition des smartphones), les ordonnances apportent deux changements susceptibles de faire décoller la pratique. Le premier fait du télétravail une modalité de droit commun : ce ne sera plus au salarié de demander à l’employeur de travailler depuis chez lui, mais à l’employeur de démontrer que ce n’est pas possible. Le second changement, qui n’a pas soulevé un grand enthousiasme côté patronat, lève un obstacle majeur : si un accident intervient durant les heures de travail, il y aura présomption d’accident du travail. Fini, donc, les avenants au contrat du travail. Un accord d’entreprise ne sera plus obligatoire, même si, de source proche du ministère du Travail, on estime que ce serait mieux d’en passer par là.
Ce sont les mesures les plus attendues par les employeurs, notamment dans les PME. Le plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes est censé donner plus de prévisibilité aux employeurs attaqués par leurs salariés. Elles seront désormais plafonnées à vingt mois de salaires pour les salariés ayant trente ans d’ancienneté. Et progresseront au rythme de un mois par année d’ancienneté jusqu’à dix ans, un peu moins vite au-delà. Le plancher, lui, sera fixé à quinze jours dans les TPE, un mois pour les autres entreprises, puis trois mois maximum quelle que soit l’ancienneté. Le salarié aura désormais un délai d’un an et non deux pour contester son licenciement devant les prud’hommes. Enfin, les vices de forme ne pourront plus être invoqués pour invalider une procédure. Employeurs et salariés pourront se référer à un formulaire administratif de type Cerfa qui récapitulera l’ensemble des obligations à remplir dans le cadre de la procédure. Pour équilibrer le texte, les indemnités légales de licenciement (qui concernent tous les salariés licenciés) seront augmentées de 25 % dans un décret à paraître prochainement.
Faute de syndicats, les TPE et PME ont jusqu’ici souvent été privées de la capacité à négocier des accords. C’est l’un des changements majeurs de la réforme. Les entreprises de moins de 50 salariés pourront négocier un accord directement avec un délégué du personnel. Elles ne seront plus obligées de passer par le mandatement d’un salarié auprès d’un syndicat. Un dispositif qui n’avait pas fait ses preuves jusque-là. Les syndicats ont eu du mal à accepter ce dispositif qui contourne, de fait, le monopole syndical. Ces accords, signés par les délégués du personnel, pourront être examinés par un observatoire créé à cet effet pour valider leur aspect juridique. Par ailleurs, les entreprises de moins de 20 salariés pourront passer par le référendum à l’initiative de l’employeur pour proposer un changement d’organisation, de durée du travail ou tout autre sujet négociable au niveau de l’entreprise. L’employeur devra obtenir les deux tiers des voix pour faire passer sa proposition.
Le comité d’entreprise fera bientôt partie du passé. De même que le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Les entreprises de plus de 50 salariés verront leurs instances représentatives du personnel (CE, CHSCT, DP) fusionnées en un ». Les délégués syndicaux pourront aussi intégrer cette instance unique par accord pour former un « conseil d’entreprise », sur le modèle du « Betriebsrat » allemand. Pour introduire de la codécision dans les entreprises françaises, ce conseil d’entreprise devra donner son avis conforme sur au moins deux sujets : la politique de formation professionnelle et l’égalité homme et femme.
©2017 Les Echos – ALAIN RUELLO