« L’euro affiche la meilleure performance des monnaies du G10 cette année et le dollar a signé la pire », c’est le constat des analystes de Bank of America-Merrill Lynch. De fait, l’euro a repris 12 % face au dollar en 2017 et se rapproche de 1,20 dollar. L’euro a aussi touché un nouveau plus haut depuis huit ans face à la livre sterling. La monnaie européenne « surfe sur les bons résultats inattendus et persistants de la zone euro pour dépasser la marge de fluctuation dans laquelle elle évolue depuis deux ans (entre 1,05 et 1,15 dollar)», souligne le Crédit Suisse. BofA ML évoque d’autres raisons, comme « de bonnes nouvelles politiques en France et en Italie, les attentes autour d’un tapering (réduction du programme d’achats d’actifs) de la BCE, des flux extrêmement forts sur les actions européennes ». Mais pour la banque, le problème vient surtout des Etats-Unis, le dollar ayant perdu de sa superbe, en raison notamment de la « déception autour des promesses économiques de Donald Trump et de la publication de statistiques d’inflation décevantes ». Des raisons politiques, économiques et monétaires qui font que le dollar ne profite pas de l’augmentation de l’écart des taux à deux ans américains et allemands.
L’euro peut-il filer vers 1,20 dollar et au-delà ? Peut-il aussi se rapprocher de la parité avec la livre ? Si le sterling est considéré comme historiquement bon marché, ce qui pourrait constituer un soutien à court terme, il risque aussi de souffrir du différentiel de croissance qui s’installe entre la zone euro et le Royaume-Uni. Surtout, la livre n’est pas à l’abri d’un nouveau choc si les négociations sur le Brexit devaient mal tourner. L’idée d’une parité avec la monnaie unique fait son chemin dans les marchés. « C’est l’un des paris forts du moment », confirme Naeem Aslam chez ThinkMarkets.
Concernant le billet vert, les avis divergent davantage. Credit Suisse estime que l’euro-dollar s’approche de sa juste valeur, estimée à 1,20 dollar. Selon la banque, d’ici à 12 mois, le risque est plus d’assister à « la reprise modérée du dollar ». Un pari que pourrait prendre aussi BofA ML, qui pointe le fait que « le marché ignore la prochaine réduction du bilan de la Fed et n’anticipe pas assez de hausse de taux ». Les investisseurs font l’hypothèse d’un tour de vis d’ici à la fin de 2018, alors que la Fed en prévoit 3 ou 4. Inversement, BofA souligne que la BCE ne « réduira ses achats d’actifs que très lentement cet automne ».
JP Morgan anticipe quant à lui un cours de 1,20 dollar à la fin d’année, contre 1,16 dollar précédemment. Pourquoi ? « D’abord, l’inflation américaine continue de surprendre négativement et ce depuis cinq mois – ce qui n’est arrivé qu’une seule fois au cours des vingt dernières années ».
Ce qui maintient les taux obligataires à des niveaux bas. « Ensuite, la cote de popularité de Donald Trump a chuté en raison d’une multitude de faux pas politiques, lequel, à son tour, maintient le risque d’un débat compliqué sur le plafond de la dette avec le congrès à la fin des vacances parlementaires ». La banque suggère même « une cible à 1,25 dollar pour le troisième trimestre 2018 ».
La question serait de savoir quelle serait alors la réaction de la BCE. Les « minutes » de la réunion de juillet montrent que le phénomène commence à préoccuper ses membres. La hausse de l’euro est perçue comme la plus grande menace aux efforts de la BCE pour relancer l’inflation en zone euro. Mario Draghi sera de ce fait très attendu lors du symposium de Jackson Hole (lire page 25). Ce pourrait être un premier test sur la voie des 1,20 dollar pour un euro.
©2017 Les Echos – PIERRICK FAY