La France doit encore poursuivre la baisse de son taux d’impôt sur les sociétés, au-delà de ce qui est déjà prévu dans la dernière loi de finances. C’est la principale recommandation du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), une institution placée auprès de la Cour des comptes et chargée d’évaluer la fiscalité française, dans son dernier rapport publié ce jeudi matin. « Le CPO n’est pas engagé dans une course au moins-disant fiscal, mais préconise de s’adapter face à l’évolution du cadre juridique et international », a déclaré son président, Didier Migaud, lors d’un point avec la presse.
Le rapport rappelle que la plupart des Etats membres au sein de l’UE ont baissé leur taux d’IS ou sont sur le point de le faire , à l’instar du Royaume-Uni, de la Hongrie ou du Luxembourg. Un critère souvent déterminant pour la localisation d’activités.
Moyenne européenne
Alors que la dernière loi de finances prévoit d’abaisser le taux de l’IS à 28 %, le CPO considère qu’il faut encore aller plus loin, en le ramenant à 25 %, soit la moyenne européenne actuellement. Pourquoi 25 % précisément ? « Les études économétriques montrent que les grands pays pouvant présenter d’autres avantages que la fiscalité (infrastructures, etc.) n’ont pas tellement davantage à se situer en dessous de la moyenne », souligne Florian Colas, rapporteur de ces travaux. D’autant que cette nouvelle baisse de l’IS aurait un coût pour les finances publiques, estimé à 4,2 milliards d’euros. Pour mémoire, la trajectoire de baisse à 28 % à horizon 2020, adoptée à l’automne, coûterait déjà 7 milliards à l’Etat, comparé à un rendement net de l’IS de 33 milliards.
Ce rapport donne des pistes de financement, la plus surprenante était la suppression du taux réduit de 15 % pour les PME de moins de 7,6 millions d’euros de chiffre d’affaires (dans la limite de 75.000 euros de bénéfices). Cet avantage, dont ont bénéficié 670.000 PME en 2014, coûte chaque année 2,6 milliards d’euros à l’Etat.« Il ne se justifie pas pour des raisons objectives », estime Didier Migaud, notant que moins d’un tiers des pays de l’OCDE dispose d’un taux réduit.
A contre-courant de certaines idées reçues, ce rapport montre que la rentabilité financière des PME (moins de 250 salariés) n’est pas inférieure à celle des grandes entreprises. Les taux implicites d’impôt sur les sociétés ne seraient pas non plus très éloignés. Lors du dernier débat budgétaire à l’automne, les députés ont pourtant décidé d’accentuer davantage la baisse de l’IS pour les petites entreprises , réputées plus lourdement taxées que les grandes du fait d’un moindre recours aux mécanismes d’optimisation.
« Tunnel » de taux
Cette baisse du taux de l’IS pourrait également être financée par une révision du régime de l’intégration fiscale, déjà visé par plusieurs décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), ainsi que par le resserrement de certains régimes, sur la propriété intellectuelle notamment.
Face à ces enjeux, le CPO appelle la France à soutenir le projet d’assiette commune au niveau européenne (ACCIS). Pour enrayer la concurrence fiscale au sein de l’UE, cette assiette commune devrait s’accompagner de la mise en place d’un « tunnel » de taux pour l’IS, comme il en existe déjà un sur la TVA. Ce corridor est tout à fait « faisable juridiquement », assure Didier Migaud, mais nécessiterait l’unanimité des Etats membres.
©2017 Les Echos – INGRID FEUERSTEIN