Le taux du crédit immobilier a une nouvelle fois battu son record. Les taux d’emprunt sont tombés au mois d’avril à 1,81 % en moyenne (toutes durées confondues, hors coût des assurances et garanties) selon la dernière édition du baromètre Crédit Logement/CSA. En deux mois à peine, la chute a été spectaculaire avec un recul des taux d’emprunt de 26 points de base (0,26 %). En termes de pouvoir d’achat, la baisse du coût du crédit équivaut à une baisse des prix du mètre carré de 4 % depuis octobre 2015, et même de 13 % depuis la fin 2013.
La recette du cocktail qui a permis une chute si rapide des taux d’emprunt n’a pas changé : pour fixer leurs barèmes de crédit, les banques observent, parmi d’autres indicateurs, le niveau de l’OAT à 10 ans – c’est-à-dire le taux auquel la France emprunte sur cette durée. Il s’agit pour la banque d’un bon indicateur du coût de l’argent sur cette période de temps : plus l’OAT est faible, et plus les ressources que la banque devra elle-même trouver pour financer les prêts seront bon marché. Or, sous l’effet de la politique monétaire de la BCE, cette jauge, encore supérieure à 1 % jusqu’à la fin 2015, tourne désormais autour de 0,6 %.
Cerise sur le gâteau, les banques disposent actuellement de ressources… gratuites. Les clients des banques, qui ne savent plus où placer leur épargne car les rémunérations sont elles aussi en chute libre, préfèrent massivement les laisser dormir sur un simple compte courant non rémunéré. Au final, la banque se refinance donc à très bon compte, ce qui lui permet de prêter très bon marché, tout en conservant une marge confortable au moment du prêt. A ce calcul économique s’ajoutent des considérations commerciales : le printemps est la haute saison de l’immobilier, et les banques accélèrent dès maintenant la distribution de crédits.
Cette situation n’est toutefois pas sans risque : les banques peuvent prêter sans peine à 1,81 % aujourd’hui. Mais à force de conditions de crédit extrêmement favorables aux clients, le rendement moyen de l’encours (c’est-à-dire les intérêts produits par l’ensemble des prêts accordés par la banque) s’érode, et les revenus de la banque diminuent dangereusement sur le long terme.
C’est la raison pour laquelle les prêteurs segmentent de plus en plus leurs conditions de prêt : les emprunteurs les moins risqués, qui disposent d’un niveau d’apport et de revenus importants, bénéficient de conditions exceptionnelles – en moyenne 1,32 % pour un emprunt sur 15 ans. Dans le même temps, toujours sur 15 ans, les emprunteurs plus risqués se sont vu appliquer un taux moyen de 1,98 %. La logique est la même pour les prêts accordés sur 25 ans et plus, qui s’étaient raréfiés ces dernières années dans les offres bancaires. Ces derniers sont réapparus au bénéfice des populations plus jeunes, et plus modestes, cherchant à acheter leur premier logement : seuls 20,4 % des moins de 35 ans avaient pu emprunter sur des durées supérieures à 25 ans à la mi-2014. Cette part frôle désormais les 27 %. C’est une bonne nouvelle pour les primo-accédants – soutenus de plus dans le neuf par le retour du prêt à taux zéro de l’Etat. Mais c’est aussi un bon calcul pour les banques : pour les emprunteurs longue durée (25 ans) les plus risqués, le taux d’emprunt moyen est encore de 2,59 %, un niveau devenu élevé. Renforcer la part de cette clientèle est aussi un bon rempart contre l’érosion des revenus bancaires.
©2016 Les Echos – EDOUARD LEDERER