Les Français n’ont jamais obtenu de conditions de crédit aussi intéressantes pour leurs prêts à l’habitat. Le crédit immobilier a atteint un plancher historique le mois dernier avec un taux moyen de 1,97 % toutes durées confondues (selon le baromètre Crédit Logement/CSA). Mais de là à le voir passer sous la barre du zéro, il y a un pas que les banques françaises ne veulent pas franchir.
Ce scénario inimaginable il y a peu est pourtant devenu réalité dans d’autres pays européens (voir ci-contre). Le mécanisme est imparable : dans un crédit révisable, le taux varie en fonction de l’Euribor, (taux auquel les banques se prêtent des liquidités sur des durées courtes). Or, les établissements se financent actuellement si facilement que le coût de ces liquidités est devenu nul, voire négatif.
L’Euribor à trois mois a franchi la barre du zéro pour la première fois en avril 2015 (-0,001 %) et la situation n’a fait que s’amplifier (-0,25 % actuellement). Alors, pourquoi ces conditions hors norme ne se sont-elles pas transmises aux emprunteurs français ?
Pour une raison simple : les crédits à taux révisable n’existent pratiquement plus dans l’Hexagone. Au dernier pointage (mars 2016), ils ne constituaient plus que 0,4 % de la production totale de crédit immobilier. Cette situation ne doit rien au hasard : d’une façon naturelle, plus les taux de crédit à taux fixe sont bon marché (comme ils le sont actuellement), moins le « révisable » est attrayant. En effet, sur les dix prochaines années (temps moyen de remboursement d’un crédit), un révisable aura plus de chance d’augmenter que de diminuer davantage encore.
Les banques vont même plus loin puisqu’elles freinent activement la distribution de crédits à taux variable : pour décourager les emprunteurs, elles ont augmenté les grilles tarifaires de ces prêts pour les aligner sur ceux à taux fixe. Certaines d’entre elles ont même tout simplement cessé de transmettre aux courtiers leurs grilles. Plus officiellement encore, la Société Générale a récemment écrit aux courtiers en crédit pour suspendre son offre de variable.
Si les banques se sont prémunies sur la production actuelle, le stock de crédit existant ne leur inspire a priori pas d’inquiétude : la plupart des crédits déjà distribués sont en effet « capés », c’est-à-dire qu’ils ne peuvent varier à la hausse comme à la baisse que dans des limites pré-définies. Par exemple, au début des années 2000, les crédits variables ne pouvaient diminuer de plus 3 %. Récemment, la limite était plutôt fixée à 1 % de variation, signe du conservatisme des banques.
Malgré ce plancher, la baisse vertigineuse des taux a tout de même fait des heureux, notamment certains emprunteurs de 2008. , estime un bon connaisseur. Heureusement pour les banques, seuls 1,8 % des emprunts ont été accordés à taux variable cette année-là.
©2016 Les Echos – EDOUARD LEDERER