Les chiffres sont éloquents. Si l’on se réfère aux dernières données publiées par Novethic (arrêtées à fin 2014), les particuliers détiennent seulement 18 % des 223 milliards d’euros d’encours de fonds ISR gérés selon l’approche ESG « best in class », qui consiste à privilégier les entreprises les mieux notées d’un point de vue environnemental, social ou de gouvernance au sein de leur secteur d’activité.
Or l’épargne d’entreprise capte à elle seule plus de la moitié de ces 40 milliards d’euros, détaille Laure Delahousse, adjointe au délégué général de l’Association française de la gestion financière (AFG).
Cette appétence ne doit rien au hasard. Dès 2001, la loi Fabius en faveur du développement de l’épargne salariale a imposé aux entreprises de proposer un fonds solidaire à leurs salariés lorsqu’elles mettaient en place ce que l’on appelait alors un PPESV (plan partenarial d’épargne salariale volontaire) rebaptisé deux ans plus tard « Perco » (plan d’épargne retraite collectif) par la loi Fillon sur les retraites.
Le 1er janvier 2010, en vertu de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, cette obligation légale a été étendue au PEE (plan d’épargne entreprise). Résultat, depuis six ans, toutes les gammes de FCPE (fonds communs de placement d’entreprise), qui accueillent les sommes bloquées dans un PEE (pour un minimum de cinq ans) ou un Perco (jusqu’à la retraite), contiennent ce que l’on appelle des FCPES (S pour « solidaire ») de type 90/10. Une fraction de l’actif de ces fonds (de 5 à 10 %) est investie dans des projets d’utilité sociale (entreprises d’insertion agréées liées à l’emploi, au social et au logement, à la solidarité internationale et à l’environnement…). Le solde est géré selon un process ISR qui s’est imposé logiquement. , note Laure Delahousse.
Une fois qu’ils la découvrent, les salariés tendent en effet à plébisciter cette démarche d’investissement responsable. Sa promotion trouve un écho spécifique au sein de l’entreprise, comme en témoigne notamment le rôle dévolu au Comité intersyndical de l’épargne salariale.
Créé en janvier 2002 sous l’impulsion conjointe de la CFDT, de la CGT, de la CFE-CGC et de la CFTC, le CIES a pour missions de valider les placements d’entreprise à la fois suffisamment sûrs et respectueux de la négociation collective et de contrôler la qualité des offres financières faites en la matière. Pour ce faire le comité a mis au point un processus de labellisation qui distingue les offres sur la base de divers critères : bon rapport qualité-prix, frais explicites, offre suffisamment sécurisée, traçabilité de l’ensemble des opérations, transparence de l’information aux salariés, équipe ISR dédiée, comité de surveillance composé aux deux tiers de représentants des salariés, etc.
A ce jour, on dénombre une grosse dizaine de gammes labellisées souscrites par plus de 3 millions de salariés. Elles pèsent quelque 15 milliards d’euros et, pour nombre d’observateurs, le label du CIES, qui s’inscrit en complément de celui que délivre Novethic, n’aura sans doute rien à envier en termes d’exigence au label ISR grand public en cours de gestation. , indique Alexis Masse, membre du CIES., témoigne Philippe Mogenot, responsable du développement chez HSBC AM.
», remarque Dominique Blanc, directeur de la recherche de Novethic.
Systématiquement présent dans les gammes de fonds multi-entreprises, l’ISR creuse aussi son sillon parmi les fonds dédiés de certaines grosses entreprises telles EDF ou Schneider Electric, dont le programme Bipbop lancé en 2009 afin de favoriser l’accès à l’énergie des plus pauvres est en partie soutenu par les placements de ses salariés.
©2016 Les Echos – LAURENCE DELAIN