Photo ©Ludovic MARIN/AFP
Alors que les premières mobilisations contre la réforme des retraites ont eu lieu, le chef de l’Etat prend son bâton de pèlerin pour tenter de rassurer et convaincre. Il lance ce jeudi à Rodez, face à 500 Français, un nouveau grand débat sur ce sujet explosif.
En Bourse, la veuve de Carpentras est connue pour son aversion au risque. Emmanuel Macron doit aujourd’hui rassurer la veuve de Rodez sur sa réforme des retraites . Le chef de l’Etat français se rend ce jeudi dans la préfecture de l’Aveyron pour participer à un grand débat sur les retraites. Dans la salle des fêtes de Rodez, il sera face à 500 lecteurs des titres du groupe « La Dépêche ». Tout juste de retour de l’Assemblée générale des Nations unies à New-York, Emmanuel Macron effectue par la même occasion sa vraie rentrée sur le terrain français. But de l’opération : rassurer et convaincre sur une réforme qui conditionne la réussite de l’acte II de son quinquennat.
Le choix de Rodez est tout sauf anodin. La ville est la préfecture d’un département à la population vieillissante, symbole des « territoires » pour lesquels Emmanuel Macron veut consacrer toute son attention depuis la crise des « gilets jaunes ». Dans un département où un tiers de la population a plus de 60 ans, la réforme des retraites prend toute sa dimension. Et malgré un taux de chômage inférieur à la moyenne nationale – 6,5 % au premier trimestre -, l’Aveyron n’est pas épargné par les difficultés économiques, comme celles des usines Bosch (batteries) et Jinjiang Sam (fonderie) dans l’industrie de la sous-traitance automobile .
Rodez est aussi une ville qu’il apprécie. En mai 2017, Emmanuel Macron y avait effectué son dernier déplacement de campagne avant le second tour de la présidentielle, chez les Compagnons du devoir. Son maire, Christian Teyssèdre, est un soutien de la première heure du chef de l’Etat, qui lui remettra, jeudi, les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur.
« Macron apprécie le format du grand débat »
Pour Emmanuel Macron, le plus dur sera le face-à-face avec les Français. Depuis le succès du grand débat mené en début d’année et qui lui a permis de sortir par le haut de la crise des « gilets jaunes », le chef de l’Etat affectionne ce format où il peut se frotter directement aux interrogations et aux colères. « On va continuer ce mode de concertation car le grand débat lui a permis de rebondir et de reprendre la main », souligne un proche.
Il lui reste à convaincre, alors que le couac sur les emplois à domicile des plus de 70 ans est venu perturber le message. Malgré l’implication d’Edouard Philippe, malgré la nomination de Jean-Paul Delevoye comme haut-commissaire aux retraites, le chef de l’Etat n’a pas d’autre choix que de monter en première ligne sur cette réforme. « Macron laisse la gestion politique à Edouard Philippe, mais cela ne l’empêche pas d’aller expliquer la réforme », estime un de ses proches.
Les inquiétudes restent vives, alors que tous les Français nés à partir de 1963 (les deux tiers de la population) sont concernés par une réforme par essence anxiogène. La fin programmée des 42 régimes spéciaux mobilise ( RATP , SNCF , avocats…) tandis que les syndicats ont déjà effectué un tour de chauffe . « Le but de ce débat est de faire une pédagogie posée. Macron entre en lice pour poser les termes du débat », estime-t-on à l’Elysée.
« Réforme du cycle de vie »
Au sein de la majorité, la tournure que prend le bras de fer avec les opposants suscite aussi des crispations. « Nous avons perdu la bataille de la communication. C’est une réforme du système, et le débat se résume aux perdants contre les gagnants », déplore un député LREM qui ne cache pas son inquiétude.
Pour Emmanuel Macron, le risque est que le débat se réduise à une bataille sur les régimes spéciaux, alors qu’il promeut la plus grande réforme depuis la mise en place du système actuel des retraites en 1945. « Il faut expliquer pourquoi on le change, sinon nos concitoyens ne vont pas comprendre pourquoi on fait les choses », a-t-il déclaré la semaine dernière devant les députés de la majorité. « Ce n’est pas une réforme des retraites, c’est une réforme du travail dans la société et du cycle de vie. Parce que ce qu’on va devoir penser, c’est comment on travaille tout au long de sa vie », a-t-il ajouté. Nul doute que le message sera répété à Rodez.
©2019 Les Echos – Grégoire Poussielgue