Le chef de l’Etat a proposé lundi soir de tenir compte de la durée de cotisation pour définir l’âge de taux plein dans le futur régime de retraite universel par points. Une annonce surprise qui a été plutôt bien accueillie par la CFDT, dont le soutien est crucial, et qui devrait aider à faire accepter cette réforme très anxiogène à l’opinion publique.
Concertation citoyenne, probable prise en compte de la durée de cotisation, attention particulière pour les infirmières, les aides-soignants ou les enseignants… L’opération déminage de l’exécutif sur la réforme ô combien sensible des retraites se poursuit. Et elle semble porter ses fruits. Après la sortie surprise d’Emmanuel Macron sur le possible renoncement à un âge de « taux plein » à 64 ans lundi soir sur France 2, la réaction de la CFDT a été plutôt positive. « Le président de la République a dit que l’âge pivot était une erreur, n’était pas une bonne chose en tout cas. Tant mieux, on l’avait dit aussi », a commenté son numéro un, Laurent Berger à l’issue d’une réunion à Matignon où, en compagnie d’autres syndicats, ONG ou fondations, il était venu défendre des mesures en faveur de l’écologie et de la justice sociale .
Telle que dessiné par le rapport Delevoye, présenté en juillet , le régime universel de retraites à points qui verrait le jour en 2025 maintient l’âge légal à 62 ans mais instaure un système de décote-surcote pour inciter les Français à partir au-delà de 64 ans. Avec deux options pour cet âge « de taux plein » (un âge d’équilibre du futur régime universel en fait) : le faire dépendre de la durée de cotisation, comme aujourd’hui, ou qu’il soit le même pour tous.
Vrai revirement
Le haut-commissaire à la réforme des retraites s’étant prononcé pour la seconde option, sauf en cas de départ anticipé, on pouvait croire le débat clos. Jusqu’à lundi soir. A peine le G7 terminé, voulant surfer sur son succès de ce sommet et revenant de plain-pied sur un sujet de politique intérieure, Emmanuel Macron a fait part de sa préférence en faveur de la durée de cotisation. Un changement de pied qui a surpris jusqu’à ses proches, même si, à l’Elysée, on rappelle que le « point d’atterrissage » sur la question n’est pas encore arrêté.
Pour « que ce soit juste en termes de cotisations […], je préfère qu’on trouve un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l’âge », a plaidé le président, « car si vous avez un accord sur la durée, si vous commencez plus tard, vous finissez plus tard, et quand vous commencez plus tôt vous partez plus tôt ».
Annoncée dans son programme, présentée comme un projet phare de justice sociale, la réforme des retraites est capitale pour la seconde partie du quinquennat du président. Si Emmanuel Macron peut se féliciter d’un apaisement du climat social, les braises de la contestation ne sont pas encore éteintes. D’où la prudence sur une réforme par définition très anxiogène.
« Les craintes des Français sur cette réforme systémique ne sont pas encore désamorcées », constate un conseiller. Après avoir vanté une nouvelle méthode sur la forme, le président entend montrer que, sur certains aspects du fond du dossier, la porte des négociations reste ouverte. Ce n’est « pas un virage sur l’aile, a estimé mardi matin sur LCI Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. Vous ne passerez en force sur rien. »
Gain de cause pour la CFDT
La CFDT, sans l’appui de laquelle la réforme ne peut pas passer sans heurts (FO et la CGT s’y opposent dans sa globalité), est donc en passe d’obtenir gain de cause sur ce qui constitue sa principale ligne rouge mais refuse de crier victoire avant l’heure. « On verra », a sobrement indiqué Laurent Berger, renvoyant à la concertation à Matignon avec les syndicats, les 5 et 6 septembre prochains. Du côté de la CGC, en revanche, c’est la douche froide puisque dans le système actuel, les cadres qui entrent plus tardivement sur le marché du travail, doivent parfois pousser jusqu’à 67 ans pour le taux plein, a souligné Serge Lavagna, secrétaire national en charge de la protection sociale.Le Medef, lui, s’en est tenu à rappeler sa position, à savoir le relèvement de l’âge de départ à 64 ans, avec une dose d’individualisation pour tenir compte des carrières longues, tout en augmentant la durée de cotisations. « On a une impasse financière en 2025 et il faudra augmenter le nombre d’annuités et passer à 43 ans, mais on ne fera pas l’économie de l’âge et c’est mentir par omission aux Français que de dire le contraire », a déclaré son président, Geoffroy Roux de Bézieux sur France Inter.
Même son de cloche à la CPME qui appelle à « concilier » durée de cotisation et âge de départ pour garantir l’équilibre du régime. Mais selon une formule qui a peu de chance de voir le jour : plutôt qu’un âge pivot à 64 ans assorti d’un bonus-malus, la confédération des PME préconise de relever l’âge légal de départ à 63 ans et de calculer ensuite le montant de la pension en fonction de la durée de cotisation.
©2019 Les Echos – Alain Ruello et Grégoire Poussielgue