Avec plusieurs mois de retard, le gouvernement va présenter le 29 novembre prochain en Conseil des ministres un projet de loi qui se veut ambitieux. Rebaptisé « Projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance », le texte, dont « Les Echos » ont obtenu copie, a pour objectif de transformer la relation entre l’Etat et ses administrés. Ce texte doit permettre de reposer un nouveau contrat avec l’Etat afin que l’administration redonne confiance à ses administrés », explique Sophie Errante, députée LREM, qui a été étroitement associée à l’élaboration du projet de loi, porté au gouvernement par Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics.
Consulté sur le texte la semaine dernière, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEM) est nettement moins enthousiaste. S’il considère que la démarche du gouvernement « va dans le bon sens », son président, l’ancien ministre Alain Lambert, juge qu’elle n’est pas à la hauteur du défi à relever. « L’exécutif fait preuve d’une trop grande pusillanimité, déplore-t-il. Il ne se donne pas les moyens de ses ambitions. On a changé de président mais pas d’administration. Le chef de l’Etat va devoir faire preuve de beaucoup d’autorité pour que les choses bougent. Il doit imposer le changement aux administrations centrales comme il l’a fait aux autres corps sociaux. ». Toujours selon Alain Lambert, « le projet de loi manque aussi de cohérence et d’intelligibilité, ce qui est paradoxal pour un texte qui veut introduire de la confiance entre l’Etat et les citoyens ».
Sans renoncer au contrôle administratif, qui fait partie des missions de l’Etat, le projet de loi tente, à travers les 48 articles qui le composent, précédés d’une charte, de refonder la relation entre l’Etat et ses administrés, en insistant sur le rôle de conseil et d’accompagnement de l’administration.
Le texte fait une large place à l’expérimentation pour distiller progressivement ces changements de comportement majeurs, qui prendront des années avant de se généraliser à l’ensemble de la sphère publique. Plusieurs points de la réforme seront d’ordre réglementaire. Pour la partie législative, les principaux axes sont les suivants :
Le texte ne porte plus ce nom, mais il en garde le principe puisque plusieurs articles y sont consacrés. Comme l’avait promis Emmanuel Macron pendant sa campagne, certaines obligations déclaratives non respectées ne donneront pas lieu à pénalité si la personne est jugée de bonne foi. La première fois seulement. Il s’agit tout à la fois de déclarations sociales, fiscales et douanières. Le respect des délais (notamment les délais de paiement) est exclu du droit à l’erreur. De même que les sujets qui touchent à l’environnement et à la santé. Et toutes les infractions qui sont punies pénalement.
Le principe s’inspire directement du « Dites-le nous en une fois » du précédent quinquennat. Une initiative qui s’est soldée par un échec, car la liste des exceptions était tellement longue que la réforme perdait quasiment tout intérêt. Cette fois, le projet de loi prévoit une expérimentation plus modeste, pour une durée de quatre ans, pour que les entreprises qui se créent par exemple n’aient plus qu’une seule déclaration à faire.
Plus globalement, les entreprises « ne seront plus tenues de communiquer à l’administration des informations que celle-ci détient dans un traitement automatisé ou qui peuvent être obtenues d’une autre administration par un tel traitement ». Dans la même veine, certains services de l’Etat ou de collectivités territoriales pourront désigner un interlocuteur unique capable de traiter l’ensemble des démarches engagées par une entreprise ou un citoyen.
Le rescrit administratif est déjà couramment utilisé dans certaines procédures fiscales, beaucoup moins dans le domaine social ou douanier par exemple. Le projet de loi entend généraliser cet outil, mais l’administration y est souvent très réticente. Le texte introduit aussi un droit au contrôle volontaire, c’est-à-dire à la demande de l’entreprise, dont les conclusions seront elles aussi opposables.
Dans le même esprit, toutes les circulaires qui seront publiées par l’administration seront désormais opposables. A l’inverse, les circulaires non publiées dans les semaines qui suivent leur signature seront considérées comme nulles.
Cette partie du texte s’applique, à ce stade, aux acteurs de la construction. Pour faciliter la réalisation de projets de construction, le projet de loi prévoit que les entreprises pourront « déroger à certaines règles de construction sous réserve qu’elles apportent la preuve qu’elles parviennent, par les moyens qu’elles entendent mettre en oeuvre, à des résultats équivalents ». Au lieu de contrôler les moyens mis en oeuvre, l’Etat se concentrerait ainsi sur le contrôle du résultat. Ce serait notamment le cas pour tout ce qui concerne les matériaux anti-incendie.
Pour inciter l’administration à recourir aux transactions, en cas de contentieux fiscaux ou environnementaux par exemple, la décision sera désormais prise par un comité afin d’évacuer toute responsabilité personnelle du signataire. Les décrets devront préciser le montant à partir duquel la transaction doit être préalablement soumise à l’avis de ce comité. En cas d’avis défavorable du comité, la transaction ne pourra être conclue qu’après homologation par le juge compétent.
A titre expérimental là encore, les contrôles administratifs exercés dans les PME (moins de 250 salariés) ne pourront pas excéder, pour un même établissement, une durée cumulée de neuf mois sur une période de trois ans, « sauf s’il existe une présomption de manquement à une obligation légale ou réglementaire », précise le texte. Cette expérimentation est menée dans les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes pour une durée de trois ans.
©2017 Les Echos – MARIE BELLAN