La loi du silence se brise sur Twitter depuis plusieurs jours avec la montée en puissance de l’hashtag « #balancetonporc ». Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, a d’ores et déjà indiqué les contours de son projet de loi pour 2018, mené conjointement avec la ministre de la Justice Nicole Belloubet, pour lutter contre les violences « sexistes et sexuelles ». Rappelons que le harcèlement sexuel – au travail, dans la rue ou dans l’intimité – est puni par la loi et que les employeurs sont tenus de le prévenir et de le dénoncer.
Les scènes quotidiennes de harcèlement sexuel ne manquent pas : quelqu’un importune régulièrement un(e) collègue avec des messages à connotation sexuelle, et n’écoute nullement sa demande d’arrêter ; la proposition d’une promotion en contre-partie d’un harcèlement sexuel, ou bien encore un environnement de travail où des propos sexistes ou insultants. Ces scènes se déroulent parfois sous nos yeux, sans que nous nous rendions vraiment compte de la gravité des faits. D’ailleurs, une femme sur cinq se dit victime de harcèlement sexuel dans sa vie professionnelle, selon une étude Ifop pour le Défenseur des droits en 2014. Les chiffres concernant les hommes se font plus rares. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne sont pas aussi concernés.
Contrairement aux idées reçues, le harcèlement sexuel n’est pas uniquement lié à la recherche d’un acte sexuel. Le site gouvernemental [[328289]] précise que « des propos ou comportements répétés à connotation sexuelle portant atteinte à la dignité de la victime ou créant pour elle une situation intimidante, hostile ou offensante peuvent suffire ».La loi du 06 août 2012 relative au harcèlement sexuel va plus loin en donnant deux définitions de cette infraction. Il s’agit du fait d’imposer à une personne [et ce, quel que soit son sexe, ndlr] de façon répétée ou non, des propos, comportements à connotation sexuelle ou « toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle » qui porte atteinte à sa dignité « en raison de leur caractère dégradant ou humiliant » et qui crée « à son encontre une atteinte intimidante, hostile ou offensante ».
Tout employeur est tenu par l’obligation de protéger la santé et la sécurité de ses salariés. Il doit, par conséquent, prendre des mesures de prévention contre le harcèlement sexuel et le faire cesser lorsqu’il en a connaissance. Dans cet optique, le règlement intérieur peut contenir des dispositions relatives à ce délit et des formations ad hoc peuvent être mises en place afin d’informer l’ensemble des salariés sur les agissements prohibés. Mais le plus important est une réaction rapide des ressources humaines ou du dirigeant quand une situation est rapportée par la victime, par le médecin du travail, par les représentants du personnel, etc. Un processus précoce informel de traitement des plaintes est généralement efficace. Et il est essentiel de mener une enquête, sous peine de voir l’autorité du dirigeant engagée. Si les faits dénoncés sont réels, l’auteur doit être immédiatement sanctionné. Le salarié dont les allégations ne sont pas démontrées ne peut pas, pour autant, être sanctionné pour diffamation.
Le harcèlement sexuel est passible de deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Les peines peuvent être portées à trois ans d’emprisonnement et 45.000 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes comme l’abus d’autorité. Mais aujourd’hui seuls 5% des cas sont portés devant la justice.
Les témoignages sur Twitter sous l’hashtag #balancetonporc font aussi état de situations d’agressions sexuelles et de viols. Ces deux infractions, pénalement répréhensibles, diffèrent du harcèlement sexuel. La première est un délit puni, selon le Code pénal, par au moins cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende, selon les circonstances. La seconde est un crime dont les auteurs encourent au minimum quinze ans de détention.Dans tous les cas, parler est la première avancée et porter plainte est indispensable. La civilité ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise.
©2017 Les Echos – Delphine Iweins