Taille des appartements, nombre de propriétaires, coût du crédit, évolution des prix, poids des dépenses de logement dans le budget des ménages… Le marché unique du logement n’existe pas. En témoigne une étude du Crédit Foncier publiée ce lundi, qui explore en détail, à l’aide des données Eurostat, les évolutions récentes des marchés résidentiels de 7 pays : France, Royaume-Uni, Espagne, Italie, Pays-Bas, Pologne et Allemagne.
Quelques tendances se dessinent et ne varient guère : des Européens propriétaires et peu endettés à l’Est, plus riches mais locataires au Nord, appauvris par la crise au Sud, mais toujours soucieux d’acquérir leur résidence, enfin, protégés par des politiques publiques au Centre et à l’Ouest. Dans ce paysage, les Français sont 65 % à posséder un logement (58 % si l’on ramène ce chiffre au nombre de ménages et non au nombre d’occupants, comme le calcule Eurostat). Un chiffre parmi les plus bas de l’Union, dont la moyenne s’établit à 70 %.
Relativiser des impressions « nationales »
Chausser des lunettes européennes permet de relativiser des impressions « nationales ». Ainsi, malgré la crise qui semble durer depuis des décennies, la France n’est pas si mal lotie dans ce concert des nations. Avec 2,3 habitants dans des logements de 102 mètres carrés en moyenne, les Français sont presque au large et en tout cas pile dans la moyenne des 28 pays européens, alors que les Britanniques se serrent à 2,3 dans 76 mètres carrés et les Polonais à 2,7 dans 85.
Observée sur le long terme, la volatilité des marchés immobiliers est également lissée. Entre 2006 et 2015, par exemple, hausses et baisses se compensent, en France en tout cas, où les prix de tous les biens, neufs et anciens, n’ont augmenté que de 2 %. Hormis à Paris, qui est la deuxième ville la plus chère d’Europe après Londres (lire ci-dessous), les prix dans les régions françaises restent raisonnables. Sur cette même période, les soubresauts ont été plus violents ailleurs : les valeurs ont bondi d’un tiers au Royaume-Uni, réputé cher depuis toujours, de 21 % en Allemagne, qui partait de loin et baissé de 22 % en Espagne.
Contrairement à une idée bien ancrée, l’évolution des prix des logements est inférieure – sur les six dernières années – à celle des salaires dans les deux tiers des pays européens. Les Français sont loin d’être les plus ponctionnés par les dépenses de logement : elles absorbent 18,3 % de leur revenu disponible, alors que les Britanniques y consacrent 25,1 %. Plus surprenant, les Allemands, dont le marché stable est souvent montré en exemple, arrivent en deuxième position, avec 27,3 %. Dans la plupart des pays étudiés par le Crédit Foncier, ces dépenses sont stables ou en baisse. « Ces chiffres prennent en compte tous les ménages. En Allemagne, les locataires du parc privé, le plus cher, sont les plus nombreux. Alors qu’en France, le chiffre est sans doute tiré vers le bas par les loyers du parc social, mais la moyenne est exacte », précise Nicolas Pécourt, directeur RSE du groupe Crédit Foncier.
Ces résultats reflètent les résultats de politiques publiques plus ou moins efficaces pour maîtriser les prix ou relancer le marché après une crise. Celle de 2008 a été féroce au Royaume-Uni, où les prix se sont effondrés, comme en Espagne, où la production, qui culminait à plus de 800.000 logements en 2006, s’est brutalement arrêtée.
Plans de relance
En France, les effets de la crise ont été largement absorbés par une succession de plans de relance. Entre 2009 et 2014, malgré une période dénoncée comme catastrophique par les professionnels, le nombre de transactions sur le marché de l’ancien a tout de même augmenté de 36 %.
Depuis deux ans, le nombre de permis de construire est reparti à la hausse dans l’Union européenne et les prix ont presque partout retrouvé leur niveau d’avant la crise. La vraie reprise date de septembre 2015 dans l’Hexagone. Cette fois, grâce surtout à la baisse des taux. Mais, là encore, tous les Européens ne sont pas logés à la même enseigne. Les Français empruntaient en moyenne à 2,1 % en 2015, un peu plus cher que les Allemands (2 %) et beaucoup moins que les Polonais, à qui les banques n’offraient que 3,6 %. Il faut toutefois moduler l’attrait de ces taux par leur durée : 19 ans en France et plus, partout ailleurs, 25 ans en Angleterre et en Allemagne, 29 au Portugal et 30 aux Pays-Bas.
©2016 Les Echos – CATHERINE SABBAH